Tiens, il parait qu'Arlette Chat-laid va recadrer les infos de france2. Ben poukoi ? Il est super, le JT de France2, le top de l'info. Les départs en
vacances. La récolte des cerises. Le grand chassé-croisé, bison futasse tape du pied. Le mauvais temps, une flasque campeuse dépressive à Trouville nous livre ses impressions. Les retours de vacances. Le prix exorbitant des
cahiers à spirale dans une supérette lilloise. Faut-il privilégier la qualité. Hein ? Et puis, surtout, les faits
divers, plein de faits divers, comme dans une feuille de chou régionale. Des accidents de cars polonais, des traces de
sang sur la chaussée, des pédophiles au pilori nommément désignés.
Sinon, rien. L'actualité internationale en trois minutes chrono, le monde extérieur bizarrement zappé, ignoré, comme sur la carte
météo de TF1, un hexagone et le vide autour. Regarde voir mon gros
nombril. Cet été, les JT britanniques ou allemands ouvraient sur la situation au
Zimbabwe ou la crise climatique en chine. Le JT de la blonde vulgaire sur les obsèques
d'un pêcheur auxquelles, bien sûr, mister boîte de com', comme toujours
bouleversé, assistait personnellement. Il y a quelques semaines, le charognard journaliste de
France 2 interviewait dans sa cuisine une femme en peignoir, la gueule
bouffie par les larmes, visiblement assommée par les calmants. Elle
venait de perdre son fils et son homme dans le fameux accident
de manège qui a lui aussi suscité la profonde émotion du proxo
napolitain, euh, du nouveau caniche de George buisson, du Président de la République. Avant-hier, interview du type dont la compagne, quelle idée loufoque, a congelé des bébés. Son commentaire :
"J'lui ai dit: ben c'est con, quoi".
Journalisme de chiotte, tabloïd télévisé, les méthodes du
Sun ou du Bild-Zeitung. Ca ne choque plus personne, apparemment. Bravo
le service public. Le truc, c'est que cette bouse est diffusée dans le
monde entier via TV5, la télévision francophone internationale, la seule source d'infos télévisées sur la France. Parce
que, sans vouloir être méchant, personne n'a entendu parler de
france24, la CNN francaise, qui végète dans l'indifférence
générale sur le bouquet numérique payant entre les chaînes musicales
pachtounes et le téléachat ukrainien. Alors, ouais, d'accord, la France est
un pays inconsciemment rural, les faits divers passionnent, la télé publique doit
assurer ses marges, raffermir son audience, blablabla. N'empêche, il y
a un problème. Parce que l'information n'est pas hiérarchisée, mais pas
non plus traitée. La complaisance de la blonde face à Lagarde qui affirme que tout va bien, que la crise US est terminée, que la croissance va repartir, alors que tout les indicateurs sont, au moins, oranges et que la bulle immobilière mondiale se dégonfle, qu'on laisse des smicards s'endetter sur 30 ans pour des merdes de 35m2 qu'ils ne pourront pas revendre. Bande de nazes.
A part ca, il a résilié sa retraite par capitalisation, explosé ses découverts, liquidé une assurance-vie dont il ignorait l'existence et que beau-papa, surprise surprise, a soudainement extirpée d'on ne sait où , emprunté ici et là, beaucoup de liquidités, de quoi boire la tasse, bref, tout, mais vraiment tout investi dans son projet. Et puis, complété une trentaine de demandes de subventions, déposé les statuts de la boîte et déja recruté pour l'agence une dizaine de photographes, dont deux des meilleurs photo-reporters du pays, parait-il. Proud of him. Certain, d'instinct, que ca va marcher, mais néanmoins adopté une posture un peu moderatrice-grumpiche, mis le doigt, voire même toute la main, dans la plaie, souligné les différents écueils possibles de cette belle entreprise, ramené mon grain de sel à chaque étape, tempéré les audaces, rabat-joie de service mais c'est pour son bien. Pas facile de se lancer quand on est pas-vraiment-bien-né, malgré les dispositifs assez intelligents mis au point par le gouvernement d'Angela.
Le lancement de la boîte coïncide avec son anniversaire, 40 ans jeudi, on va à Marseille pour l'occazion, mon idée, quatre jours, histoire de faire une coupure (un brèque). Je ne suis jamais allé à Marseille, des lustres que je n'ai pas mis les pieds en France, on nous a invités, l'occasion était trop belle. N'empêche, j'ai adoré les derniers mois, il avait le temps, on bossait face à face dans le livingroume devenu headquarter, on passait nos soirées aux terrasses des cafés, on allait à la plage et je me sentais profondément enamouraché, sans pouvoir dire exactement pourquoi. Je sais qu'à partir de septembre, tout ca sera fini, le boulot, le projet et surtout les objectifs de chiffre d'affaire vont prendre le pas sur tout le reste, sur notre vie en fait. J'ai acheté un mati pour le nouveau bureau, un oeil bleu entouré de fanfreluches censé selon les Turcs et les grecs d'orient protéger du mauvais oeil, de la mouise, et tout ca.
A part ca, toujours amoureux, aussi, de la ville, dix ans que j'y vis et je découvre encore, parce que la vieille négociante mi pute-mi bourgeoise fait sa mue. Jusqu'ici, on était tranquilles, les niaises branchouilles avaient suivi le courant, mis le cap sur la capitale déglinguée. Mais depuis un ou deux ans, tout change, les médias ont lancé un buzz, décrété que c'est ici que ca se passe, la métropole la plus cool, la plus branchée, la plus tolérante, la plus belle du pays, une boomtown, the place to be, et puis même la pédéblogosphère est au courant, les touristes affluent, les millionnaires aussi, on va bientôt franchir le cap des 2 millions d'habitants, les docks d'outre-fleuve drainent des artistes de partout, on construit carrément une ville champignon sur le port, une philharmonie à l'architecture déjantée et des lofts à 10 000 euros le m2, les poissonneries et même les garages se transforment en bars à nargileh, boutiques de fripes ou lounges avec des poufs oranges et des pouffes blondes dedans, mon quartier portuaire autrefois mal fâmé est devenu hype, on voit des annonces "cherche appart, 1 000 euros de récompense" et des pétitions circulent pour le maintien du quota de logements sociaux. Bref, la gentrification est en marche et ca ne me plait pas du tout.
A part ca, c'est sans doute assez rare de voir un présentateur fondre en larme au beau milieu
du JT. C'était hier sur ERT World, la TV grecque du cable, il y avait une petite vieille en live au bout du fil, elle appelait à l'aide, "kαίμε σαν ποντίκια !", "on brûle comme des souris", et pas un camion de pompier, pas hélicoptère en vue, rien. Ce qui
m'a passablement énervé, c'est de voir les médias français et occidentaux s'alarmer subitement parce que le site d'Olympie était menacé, s'inquiéter du sort des touristes, alors que des dizaines de villages étaient entourés par les flammes. Typique. La Grèce, c'est ca, une carte postale, des plages et des ruines antiques. On occulte comme d'habitude 2 000 ans d'histoire. Un peu comme si
la Bretagne cramait d'un bout à l'autre et qu'un journal US titrait :
"Carnac menacé". C'est tout le patrimoine historique et écologique du
Péloponnèse, que je connais assez, qui part en fumée, des dizaines de
chapelles et églises byzantines. Mais bon, "Empire Byzantin" ? Connais
pô. La Grèce se prend la crise climatique en pleine gueule, trois vagues de chaleurs catastrophiques de suite, la mer bouffe les plages crétoises. En juillet, beau-père nous a appelés de Macédoine, il faisait 46° à l'ombre, record battu là aussi, le téléphone fonctionnait mais le réseau électrique sud-balkanique avait claqué, il crevait de chaud sans clim, il voulait notre avis, se demandait si c'était vraiment une bonne idée d'acheter une baraque pour passer sa retraite là-bas. On n'a pas su quoi lui dire.
On va droit dans le mur mais c'est pas grave, Laure Manaudou n'a plus mal au genou.