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Vu d'en face
3 octobre 2006

Jeudi B., une connaissance, m'appelle. Sa copine

Jeudi

B., une connaissance, m'appelle. Sa copine a fait une fausse couche. Expression moche. Ils voulaient l'appeler Abel. Depuis, ils ne s'entendent plus. Ou ne s'écoutent pas. ll est en arrêt maladie pour quelques semaines, me dit qu'il est bipolaire. C'est bizarre, je n'avais même pas vu ses fêlures alors que normalement, c'est la première chose que je remarque. Je n'ai pas su quoi lui dire, et j'ai horreur de ça. On va descendre, ou monter, ou latéralement bifurquer à Paris. Fin octobre. Rapport au boulot de mon époux qui doit y conclure une juteuse affaire. Je ne ferai pas de détour en Bretagne, et je ferai semblant de n'avoir aucune mauvaise conscience. Je sais que ça leur ferait plaisir, mais moi, ça ne me ferait pas plaisir du tout. Je suis amoureux de mon mec en ce moment. C'est cyclothimique, comme le reste. Et visiblement réciproque. On pourrait passer des journées à se papouiller en regardant des trucs bollywoodiens à la téloche.

Je bosse moi-même (voui)  sur un juteux contrat qui me désespère, et qui va me prendre le chou (caillou, hibou, coucou)  jusqu'à la mi-décembre. Au moins. Je parle tout le temps de mon boulot ici parce que mon boulot n'intéresse personne. Le client est une de ces nouvelles sociétés global Web 2.0 aux antennes décentralisées, le marketing en Espagne, la comptabilité au Royaume-Uni, etc. L'illusion un peu conne et rafraîchissante d'une communication sans barrières via des floppées d'e-mails bulleux et redondants, un forum dédié encrypté, le tout, bien sûr, en anglais, kind regards, l'usage exclusif de l'anglais étant obligatoire, même entre collaborateurs maîtrisant la même langue. C'est carrément niais de s'adresser en anglais à un collaborateur français. "Dear Laurent, would you be so kind..." Les e-mails n'ont rien de privé et sont de toute évidence régulièrement forwardés à l'énigmatique corporate department dont nul ne connaît le rôle exact . Le même corporate department qui m'ordonne sèchement de ne plus écrire "Pékin", mais "Beijing". "ainsi qu'un bureau à Béjingue". De toute façon, anglais, allemand, français ou sanskrit, la communication ne fonctionne pas, ce qui est un comble quand on connaît la vocation du truc.

Vendredi

Trois ans de séropositivité validée. Naze jubilée. Septembre 2003, tout part en couille Je bosse nuit et jour pour des réalisateurs névrosés (un pléonasme) qui ne respectent pas ce que je fais, taf sysiphesque, comme maintenant. Je bosse trop, je fume trop, je bois trop. L'ombre de moi-même. Je vais chez le doc. Belle-sœur, petite frangine de mon mec,  débarque avec ses valises en cuir rouge, belle-sœur  est en morceaux. Elle n'avait rien dit du calvaire qu'elle vivait avec son gros connard d'ex. Elle a campé six mois dans mon simulacre de home office, il y a toujours de la place, dans ces cas-là, et pas seulement. Et puis le cancer de mon père, prostate, détecté à temps, chimio, rayons. Puis le coup de fil de la secrétaire médicale, rapport au bilan complet effectué la semaine précédente, passez le plus vite possible. Positif. Un undercut à l'estomac. Il me dit que ce n'est pas une catastrophe, plus maintenant. Je lui rétorque vertement de se mettre à ma place. Grognasse dès le début. Mon père m'a raconté avoir fait un cauchemar, juste après. Il nous voyait tous les deux dans un terrain vague, poursuivis par une bande de malfrats, on s'en sortait, tous les deux. Ce qui m'a d'autant plus étonné qu'il ne savait rien, et ne sait toujours rien, de mon virus domestique. Je ne veux pas inquiéter les autres. J'ai mis quelques mois à me remettre du choc. Accept it, manage it and get a life, me martelait un autre pozzie américain rencontré sur le web. C'est ce que j'ai fait. Et découvert en passant le(s) blog(s) de phil. Puis  décidé de bloguer, moi aussi. Rapport à ma langue maternelle que je délaissais, que je n'utilisais plus que pour bosser. Après, un peu après, je l'ai dit. Ici et là. Je suis séropositif. L'accepter, c'était aussi pouvoir le dire. Au détour d'une conversation. M'en suis pris plein la gueule "tu as de la chance que ton mec reste avec toi". Une série de réactions imbéciles. Particulièrement du Sud. Mon mec incrimine le catholicisme, le côté "faute" toujours  présent quand il est question de ce virus.  Surpris aussi du nombre de mecs qui m'ont dit "moi aussi". Je n'avais pas vraiment conscience de la prévalence du truc avant. J'ai dû "éduquer" autour de moi. Et faire le tri, et c'est tant mieux.

Dimanche

Sorti toute la nuit. Fini dans un bar/boîte très hard, parait-il. Discuté longuement avec un mec vêtu de latex transparent. Qui m'avance les vertus du fist-fucking. Pas mon truc du tout. Sans à priori, pas mon truc, c'est tout. Pissé dans la bouche d'un mec, par défaut. Pas honte pour un sou. Au réveil, appelé maman. Emis trois quatre phrases en Breton. Le peu que je sais encore. Elle est toujours heureuse de parler sa langue maternelle. J'ai tout oublié, ou presque. Brav e an amzer. Skuizh ont. Le bordel linguistique, c'est  un peu mon truc. Papa gallésant, maman brittophone. J'ai un drôle de rapport au breton, et je ne me résous toujours pas à le réapprendre, comme  mon frère, vrai bilingue par conscience.  Frustration énorme, sans doute la langue la plus difficile pour moi. Toujours l'impression d'un immense gâchis, individuel et collectif. M'enfin.

Lundi

Coup de fil d'une tante grecque de mon mec. Qui l'a co-élevé. Elle veut renouer le contact, elle aime beaucoup son neveu, souffre de la situation. Dans ce truc, tout le monde souffre, ils le croient malade, car pédé, ils n'y comprennent rien. Dans leur conception du monde, l'homosexualité n'existe pas. Les communautés migrantes sont par nature conservatrices et imperméables aux évolutions de la société. Nico ressort, forcé, le rôle bien appris, to kalo paidi, le bon fils. Toujours célibataire, oui. Je ris jaune, le côté éternel adolescent me fatigue, leur hypocrisie me fatigue. J'aurais sans doute beaufement apprécié les déjeuners dominicaux chez la belle-famille, et tout. Revu "les choses de la vie" sur DVD,qui n'a pas pris une ride. Envisagé, une fois de plus, d'arrêter une fois pour toutes ce blog. Et puis non.

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Commentaires
P
J'aimerais entendre ca (-;
P
après la dernière phrase, je dis : ouf! (sur un ton Beauf) :-)
P
@Quand ?<br /> @Gil : je voulais dire inopinément, en fait une caboche inconnue a surgi de la pénombre à l'instant décisif pour sinterposer à mon corps défendant entre moi-même et le réceptacle.
G
"Par défaut", c'est-à-dire ?
J
- Sell 'ta piv ?<br /> - 'Maon 'vont da bokat deoc'h, memes tra !<br /> En fait j'aurai l'air d'un imbécile.<br /> Mais je serai là :)
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