Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vu d'en face
3 mars 2006

Desperately pouffon

Depuis deux trois jours, comme un déclic. Je me suis repris, et surtout, mon père aussi. S'attendre au pire, espérer quand même. Des solutions à l'horizon, à l'autre bout du pays mais des solutions quand même. Pas d'amélioration, des moments de lucidité relative, mais, mauvais signe, elle n'a pas demandé de mes nouvelles. Il faudrait effectuer une évaluation neurologique complète, mais le service neurologie est saturé jusqu'à la semaine prochaine, on l'a renvoyée dans la clinique de merde, avec un nouveau traitement et des consignes très strictes à l'attention des soignants.

Ah ouais, et le fric. L'argent, ça vient, ça va, et en ce moment ça va beaucoup et ça vient peu, ça ne vient pas. Toujours les mêmes histoires ad repetitam,  factures en souffrance (oui, en souffrance), payables sous deux semaines, payées sous six semaines, rappels polis, mises en demeures menaçantes, coups de fil coriaces, gni gni gni, les agencent  peaufinent leur bilan mensuel ou trimestriel, je m'en tape,  en déferant les virement au-delà du délai légal, arguent hypocritement qu'elles n'y peuvent rien, que leurs clients n'ont pas réglé leur note. C'est le début du mois et comme je bénéficie du statut merdique d'indépendant, j'ai raqué une fortune en assurances, contributions sociales et surtout  subi un ponctionnement fiscal qui défie l'entendement (je trouve). C'est la dèche, provisoirement mais sérieusement la dèche. Donc hier, mauvais poil, j'appelle mon pote que j'aime, Chris, hétéro prussien blondissime, un beaucoup trop bien pour ce monde de taches, je lui emprunte 50 euros, on mange des pitas et une salade monochrome dans un snack médiocre, son idée, pas la mienne. Ouzaki, ouzaki, skyladika - musique chienne. Un bar, deux bars, trois bars, les troquets sont bondés, millionnaires du 1er du mois, la la la. Chris titube chez lui, et sur le chemin du retour, je décide de faire un bref crochet dans l'hypocosme, et là... Il y a C. Le péril rose, chassé-croisé depuis trois ou quatre ans, toujours un plaisir de le revoir, des choses à se dire, des regards et surtout des non-dits en sous-jascence. C. me demande où j'étais. Me dit qu'il écume les bars pédés depuis des semaines pour me revoir. Quasi-reproche. Et, de but en blanc, C. se lance dans une déclaration d'amour incandescente et indubitablement sincère, comme dans une chanson nuche de Patricia Kaas fromage. Il n'attendait que moi. Je ne me trouve pas particulièrement aimable et passablement terne en ce moment. Je me dis qu'il y a erreur, il se trompe sur moi, sur lui-même aussi  C. me dit qu'il est amoureux, vraiment, depuis les deux dernières fois qu'on s'est vus. Comme dans un roman Harlequin, "notre amouur est impossible car...", je lui liste méthodiquement les moults arguments rationnels qui s'opposent à toute idylle. Je suis un homme marié depuis 14 ans, moi, je suis père de deux chats dont l'un souffre de cholestérol et l'autre d'une propension à l'auto-mutilation. Je suis acariâtre, volage, impulsif, bourré de contradictions et cyclothimiquement désargenté. J'écoute du trash grec, je suis fan du téléachat américain avec Nancy et Joe. Rien n'y fait, il me dit qu'il sait que je ressens quelque chose pour lui, que c'est lâche de ma part, que j'ai peur,  que mon regard dit autre chose, avance bourrinnement que la monogamie pédé-classe moyenne est aliénante (assidu aux queer studies), me demande de le prendre au sérieux. Il est joli, C., fin, il a deux (2) grands yeux marrons tout ronds, le crâne rasé, des mains... Il est intelligent, pas comme les autres connes, il connaît tout Pasolni, il est trilingue, il a un ailleurs. J'aime les polyglottes, sans doute l'effet miroir, psycholinguistique à deux balles Il est moitié-italien, anch'io parlo italiano. Un peu.  En désespoir de cause, je sors l'arme ultime, le poignard caché, l'argument qui tue, qui devrait tuer, basta - damaged good : chuis positif. "Je m'en fous, c'est pas un problème, j'te jure, mon ex aussi... ". Les bras m'en tombent, la forteresse se fissure. Rien n'y fait. Qu'est-ce qu'il a pris... Il n'a rien pris. Il passe à l'attaque, m'embrasse dans le cou, j'arbore d'ailleurs depuis un suçon pourpre et ovale bien en évidence sous l'oreille droite, comme me l'a fait judicieusment remarquer Sherlock Holmes mon mec ce soir. Il me caresse le visage.  Je passe la main sur son crâne rasé, sa nuque et le long de son dos chaud sous son sweater rouge. Je bande et mon cœur bat (la chamade, bien sûr, pas les oeufs)  et je dis stop, pouffon effarouché.  C'est trop, gênant, quasi-indécent, ça me rend tout con, sans défense, ça me fait peur, je n'ai plus deux fois dix huit ans, une fois au plus,  je patauge dans l'émotion comme un cheval de trait dans les marais salants. Je sais qu'il y a danger, je décide de rentrer illico, on sort, il neige, il est cinq heures, on s'embrasse, il tente de me retenir, me dit de venir chez lui, je dis non, il s'en va, autant en emporte le taxi. Tant qu'à me la jouer pathos, je balance le numéro de portable qu'il m'a vite griffonné sur le gros tas de sacs poubelles au coin du boulevard du vice - geste que j'ai regretté toute la journée. Pouffon je vous dis.

Publicité
Commentaires
P
... ou pour E.M Forster (ohhh, Maurice !) (-;
N
Tu n'as rien fait, Poly. Il te restera une excuse si tu le recroises. Tu aurais mieux fait de déchirer le numéro devant lui. Mais les pouffons votent toujours pour Madame Bovary, pas vrai?
P
Qu'est-ce qu'un pouffon ? Un pouffon a toujours 17 ans. L'occasion fait le larron et l'émotion fait le pouffon. Un pouffon se laisse envoûter par le chant d'une lorelei en sweater rouge. Ou alors, autre définition ?
F
Je dois me tromper peut être, connaissant mal le contexte, mais je trouve ca dommage...
P
Room : qu'est-ce qui te prend, est-ce un moment de tendresse ?
Publicité